Détecter les haies par photo interprétation : un travail de précision
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Il y a quelques mois, nous vous annoncions avoir réussi à développer un modèle d'IA capable de détecter automatiquement les haies sur le territoire Français. Depuis, nous avons eu l'occasion de relever de nombreux défis, et d'améliorer ce dernier.
Il y a quelques mois, nous avons publié cet article qui décrit notre méthode pour détecter automatiquement les haies par photo-interprétation. Depuis, nous avons fourni de nombreux territoires et nous tenions à montrer certains d'entre eux qui illustrent particulièrement bien la méthode, ses enjeux, et les difficultés qu’il nous a fallu surmonter, notamment dues à la grande diversité des paysages français.
Saint-Émilion
Il est possible, bien que fastidieux, pour un humain de faire la différence, vue du dessus, entre une haie et un champ viticole.
Pour une machine cependant, cela n’est pas si simple. Il faut dire au modèle que si des lignes sont parallèles avec espacement régulier; ce n’est pas une haie. Cela a permis d’obtenir ces très belles analyses de Saint-Émilion. On notera au passage la beauté du paysage de la commune, parsemé de vignobles et de châteaux, que la haute résolution des données de l’IGN nous permet d’apprécier.
Mieux encore, on observe entre ces deux photos prises respectivement en 2012 et 2021 une augmentation du nombre de haies.

Saint-Émilion et son paysage de vignes, de châteaux, et de haies
Normandie
En Normandie et en Pays-de-la-Loire, on observe des paysages très bocagers avec une haute densité de haies sur l’ensemble du territoire. Un des principaux enjeux ici a été de réussir à couvrir des territoires aussi grands, ce qui demande plus de ressources de calcul. Certaines communes font plusieurs centaines de kilomètres carrés et certains EPCI font 1000 kilomètres carrés. Malheureusement ce sont des paysages qui affichent une baisse du nombre de haies ces dernières années.
Comme figure d’exception, on peut tout de même se pencher sur Chanu, une commune de l’Orne qui a gagné près de 14 kilomètres linéaires de haies entre 2012 et 2023. Un chiffre considérable au vu de la petite taille de la commune.

Vu du dessus, Chanu est quadrillée par des haies, avec la plus grande densité de haies par kilomètre carré pour une commune analysée par Meteory (pour le moment).
Pays-Houdanais
Un autre exemple intéressant vient de la communauté de communes du Pays Houdanais. En effet, ici le territoire est à cheval sur 2 départements (les Yvelines et l’Eure-et-Loir). Le problème est que sur l’un de ces 2 départements, la qualité des images de l’IGN est inférieure à la moyenne. Cela est très rare, mais parfois, les images ont un contraste extrêmement élevé. Le modèle a donc dû être adapté pour ne pas mal interpréter les images dans ce type de situation.
Ce genre de problème se voit assez facilement car il y a un gros écart de détection entre cette année et l’année précédente ainsi que la suivante. Notons, par ailleurs, les bons résultats de ce territoire qui a un net positif de haies de 13 kilomètres.

On voit que le contraste est très élevé, ce qui rend les ombres des arbres et le vert de la végétation très particulier.
Amélioration continue
Ces exemples montrent qu’il est crucial d’avoir un modèle en constante amélioration. Il ne faut jamais que celui-ci soit figé. Cette flexibilité permet de réduire le taux d’erreur sur des territoires aussi variés que ceux de la France.
Ce modèle a pris de nombreux mois à être développé car il y a bien d’autres cas à prendre en compte pour une détection précise. C’est tout l’enjeu en suivi environnemental : il ne faut pas faire d’erreur et être précis. Chaque étape du modèle doit être raffinée.
Par ailleurs, les perspectives d’amélioration quant à l’utilisation de ces données sont multiples. Notre prochaine version d’analyse des haies sera, par exemple, en mesure d’effectuer des suggestions quant aux zones où replanter en priorité afin de favoriser la biodiversité et les corridors écologiques. Cette méthode est en cours de développement avec la chambre d’agriculture des Pays de La Loire.
À l’échelle nationale, la France perd ses haies
Nous avons tenu à montrer uniquement des territoires qui ont gagné des haies sur la période durant laquelle l’IGN a pris des photos. Cependant, il faut bien noter que cela n’est pas la norme et que en France, nous perdons en moyenne des haies chaque année. Il n’y a pas de chiffre officiel (certains parlent de 23500 km de haies perdu par an entre 2017 et 2021 mais la méthodologie de calcul n’est pas très claire).
C’est pourquoi nous encourageons nos partenaires à saisir le problème à bras le corps en effectuant un état des lieux des haies de leur territoire. Il vaut mieux avoir le chiffre précis, même si celui-ci indique une perte de haies, car c’est à partir de données géolocalisées précises que l’on peut établir un bon plan de gestion, de maintien et de croissance des haies du territoire.
Les haies sont un excellent moyen de lutter contre la chute de la biodiversité, le stress hydrique et l’érosion des sols. Elles augmentent également la séquestration carbone des sols et permettent de créer de riches corridors écologiques. C’est un des leviers d’action écologique les plus efficaces des territoires ruraux, donc profitons-en.
Pierre Blanchet • September 16, 2024
Co-fondateur de Meteory